En ouverture de la Paris Retail Week de 2017, David Mingeon, Directeur Général Adjoint chez Havas, nous a fait part de ses observations sur l’évolution du commerce et notamment, de l’envie grandissante des clients de vivre de vraies expériences de consommation. Sept tendances de fond émergent selon lui, tendances qui vont façonner durablement le commerce de demain. Chez West, nous en avons retenu trois, décryptage.
1/ FLUIDITÉ
Créer toujours plus de proximité, faire gagner du temps, établir une immédiateté de la relation entre commerçant et client… Autant d’ambitions dont le seul but est de réduire au maximum les moments de frictions dans le parcours d’achat. Beaucoup d’innovations présentées lors de la Paris Retail Week 2017 sont révélatrices de cette obsession des enseignes pour la fluidité : des casiers connectés accessibles 24/7, un service de livraison le soir avec suivi en temps réel de son colis (Mr Pasha) ou encore la « tablette vendeur » Octipas censée faciliter le lien entre le personnel en magasin et les clients.
Dans cet esprit, l’objectif d’assurer le dernier kilomètre, c’est-à-dire de livrer n’importe où et n’importe quand, est devenu primordial pour tous les services de livraison. Drones et robots sont déjà testés pour livrer leur repas à des clients affamés. Mais attention, le livreur n’a plus en ligne de mire une adresse postale classique, mais bien une human address (position du client en temps réel).
Fluidifier un achat c’est aussi, bien entendu, réduire les temps d’attente dans les queues à la caisse et faciliter les paiements. Vaste chantier que le paiement, où s’affrontent les plus grands comme l’américain Amazon Go, qui mise sur la vision par ordinateur, ou le chinois BingoBox s’appuyant, lui, sur l’usage du mobile et de puces RIFD. Pour se prémunir de ces géants, les grands distributeurs européens se lancent également dans l’aventure : par exemple Oney, la filiale bancaire d’Auchan, met en place un dispositif permettant de régler plus vite un achat en station-service grâce à l’identification de la plaque d’immatriculation des véhicules.
Et le paiement n’est pas un point noir pour les seuls lieux de vente physiques ! Le tunnel d’achat, la création de compte, l’enregistrement d’une carte bancaire et la saisie d’une adresse de livraison sur un site ou une application sont également des étapes critiques dans le parcours d’achat numérique. Et si toutes ses actions étaient réunies en un clic ? C’est en tout cas, ce que propose la start-up franco-britannique Oyst.
Bref, les commerçants ont encore du pain sur la planche, mais leur préoccupation autour du confort d’usage de leurs utilisateurs, clients comme employés d’ailleurs, les fait passer d’un paradigme centré produit à un nouveau centré sur l’humain. Et il n’y a pas de raison pour que la réception d’un colis, un passage en station-service ou un plein de courses au supermarché ne soient pas des expériences de qualité !
2/ SOCIAL
Deuxième tendance intéressante, le passage du site internet à la messagerie semble sonner la fin du e-commerce traditionnel. Et oui, l’utilisation des services de messagerie sur mobile a littéralement explosé en 2016, et ce phénomène va de pair avec celui de la propagation des chatbots, ces agents de conversation automatisés. Le s-commerce ou « social commerce » s’impose donc comme un nouveau canal pour consulter, commander et régler des produits en ligne.
Les réseaux sociaux comme Pinterest et son bouton « Acheter » ou Snapchat et ses shoppable adds s’intéressent déjà depuis plusieurs années aux dispositifs drive-to-store qui simplifient le parcours entre publicité ou inspiration et commerçant. Le « sans-couture » au cœur du s-commerce semble apporter une telle valeur ajoutée qu’Amazon, pour ne pas être en reste, vient de lancer son propre réseau social dédié au shopping, Amazon Spark, librement inspiré d’Instagram et Pinterest.
En outre, que dire des chatbots comme WeChat ou Facebook Messenger, ces nouveaux « caissiers du web » comme les nomme David Mingeon, qui sont de plus en plus transactionnels ? Grâce à ces « super » services, l’utilisateur peut rester dans son réseau social et commander, puis régler directement ses achats sans avoir à changer d’interface.
Plus rapide, plus pratique ? En tout cas le s-commerce est déjà dans les mœurs de millions de chinois et bientôt d’américains. Alors comment vont réagir les sites commerçants qui deviennent caduques dans cette nouvelle forme de relation commerciale ?
3/ ÉMOTION
L’omnicanal ne semble plus suffire pour ré-enchanter le lieu de vente. Celui-ci, qu’il soit physique ou numérique, doit se réinventer pour être toujours plus humain, plus à même de provoquer des émotions chez ses clients, mais aussi de s’y adapter !
Et si les progrès dans les domaines de l’IA et du big data ramenaient l’émotion au centre de l’activité des marques et des marchands ? C’est en tout cas ce que laisse penser le rachat par Apple de la start-up Emotient et de sa technologie de reconnaissance des émotions grâce aux expressions du visage. Walmart emprunte le même chemin et a breveté l’analyse des expressions faciales et des mouvements pour déterminer la satisfaction de ses clients et notifier le personnel en cas de mécontentement.
La recherche d’une relation plus incarnée, plus immédiate, transparaît aussi dans l’intérêt toujours plus fort des GAFA autour des voix de synthèse. La Google Home permet déjà de constituer des listes de courses en dialoguant avec un assistant virtuel et permettra bientôt d’acheter directement par simple commande vocale.
Enfin, l’adaptation en temps réel de son offre, afin de proposer le produit idéal à un individu, reste le Graal de toute marque. Bentley, entre autres, essuie les plâtres de cette forme d’ultra-personnalisation avec son application Bentley Inspirator qui détermine, en fonction de la réaction de l’utilisateur à différentes images, la configuration de véhicule en phase avec sa personnalité.
L’utilisation de données comportementales peut faire froid dans le dos, surtout avec un objectif mercantile évident. Toutefois, elle pourrait favoriser une relation plus souple et équilibrée entre consommateurs et marques ou encore conférer une capacité d’adaptation aux lieux de vente physiques et numériques encore trop standardisés.
Plus fluide, plus social et plus émotionnel, le commerce de demain saura-t-il faire revenir les clients en magasin ? Malgré l’automatisation galopante de l’activité, conservera-t-il un caractère humain, basé sur le dialogue et l’échange ? Pour David Mingeon, l’hybridation des deux modèles, commerce traditionnel et e-commerce, qu’il nomme le live retail, répondra à ces enjeux.
Si la plupart de nos clients vivent déjà les mutations présentées ci-dessus, placer l’utilisateur au centre de leurs préoccupations, notamment en misant sur la fidélisation plus que sur de brèves victoires, reste un vrai défi pour nos équipes.