Ces dernières années on a fait couler beaucoup d’encre concernant l’apparition puis la gestion du big data. Des profils de data analysts, data manager et des compétences en gestion de données sont aujourd’hui grandement recherchés en agence et chez l’annonceur : CRM, stratégie relationnelle, planning stratégique, UX, la data change les métiers qui façonnent les expériences proposées aux consommateurs.
Surtout, la data permet d’agir sur le levier majeur, qui pour nous est central : l’expérience.
“Qui vous êtes” ou l’offre de marque votre préférée
L’expérience que proposent les marques à leurs clients (ou à leurs prospects) est en réalité la seule véritable force de différenciation, dont elles disposent ou en tous cas la meilleure preuve de leur capacité à délivrer leur promesse (reason to believe). Et puisqu’elles doivent aujourd’hui séduire des prospects que plus rien n’étonne, elles entrent dans un jeu concurrentiel entre “génies de l’expérience client”.
On a ainsi assisté à la propulsion de marques comme Redbull qui a misé sur les sports extrêmes, sponsor de tous les événements concernés et ayant accompagné le fameux saut stratosphérique de Félix Baumgartner en 2014. L’événement a été générateur d’un flot important de data et a alimenté le discours marketing de Redbull. Ici l’expérience de marque transcende le produit lui-même. Celui-ci cristallise un imaginaire lié aux sports extrêmes, parfaitement raccord avec les bénéfices supposés du dit produit et les valeurs de la marque.
Le big data bouleverse le jeu de l’expérience pour y ajouter celui de la personnalisation et peut-être même de l’hyper-personnalisation.
81% des consommateurs sont prêts à quitter leur site d’achat favori pour un site proposant une expérience plus personnalisée et plus agréable
Dans son étude menée sur quatre ans, “Gagner 6 % de plus” Qubit analyse 2 milliards de parcours clients et révèle la force de la data. Ainsi on découvre que 81% des consommateurs sont prêts à quitter leur site d’achat favori pour un site proposant une expérience plus personnalisée et plus agréable. On parle ici d’expérience digitale, mais cela s’applique aussi dans l’expérience de fidélisation : Waitrose propose à ses clients de choisir dix produits sur lesquels ils souhaiteraient obtenir des réductions, c’est son “Pick your Own Offers”. La détermination des besoins individuels, la considération de son client en tant que personnalité et la capacité à répondre individuellement à ses aspirations, sont les facteurs d’une expérience client réussie.
Under amour : une marque data-drive
Au-delà du statutaire et de l’achat qualitatif, les consommateurs souhaitent une relation à la marque en one-to-one. La marque d’équipement sportif Under Armour, dont la promesse est de “donner le pouvoir aux athlètes”, revendique une approche pragmatique de l’innovation pour mieux cibler et comprendre ses clients. Ainsi, la marque récupère les données contenues dans les objets connectés qu’elle vend afin de travailler la segmentation de son marché et proposer une sélection de produits créée sur-mesure pour le sportif. Cette offre variera selon son niveau de performance, les activités pratiquées, les besoins anticipés dans l’équipement, mais aussi selon les intérêts identifiés (on croise alors les données issues des objets connectés avec celles recueillies sur le web). L’établissement de stratégies basées sur la data et visant l’hyper-personnalisation est également facteur de revenu : une hausse qui se situe entre 6 et 10 %, selon le Boston Consulting Group. Win-win pour le client et pour la marque donc !
Tous mesurables ?
Bien sûr, l’utilisation et la mise à profit du big data ne se fait pas partout de la même façon. L’enjeu de la maîtrise de la donnée amène à des solutions parfois surprenantes. En novembre dernier, la Chine a annoncé qu’elle mettrait en place le premier système de notation destiné…aux citoyens ! En 2020, les Chinois seront évalués sur la base de leurs données personnelles et professionnelles : entorse au code de la route, crimes mineurs ou majeurs, performance au travail, mais aussi la façon dont ils éduquent leurs enfants, leur niveau de sociabilité etc., bienvenue dans Black Mirror ! Les notes s’étendront de 350 à 950 et seront calculées via un algorithme recoupant données de la vie réelle et données digitales. Inutile de préciser que les “bons” citoyens seront récompensés par des coupons de réductions et autres avantages, tandis que les “mauvais” seront sanctionnés. Ce “scoring” ou “crédit social” est d’ores-et-déjà à l’essai et semble même susciter l’engouement de la population, qui partage ses bonnes notes sur les réseaux sociaux…
Comme quoi, plus que notre façon de consommer et que les attentes qu’elle suscite, la data peut même transformer notre expérience de la vie !
Créativité
Malgré la montée en puissance de la data, et par là-même du sentiment que celle-ci peut tout résoudre, quelque chose demeure immuable. La créativité. Voilà ce que la data ne saurait produire et sans celle-ci, point d’innovation non plus. Le chiffre et la statistique ne contiennent aucun imaginaire et ne peuvent percevoir ce que le cerveau humain s’astreint à questionner : l’indicible et le sensible vers lequel il tend sans cesse. A trop vouloir rationaliser les prises de décision du présent et les projections du futur on finit par uniformiser les concepts. La data ne porte aucune vision en elle-même, elle met simplement en valeur les réalisations humaines pour les porter plus loin. On peut s’appuyer sur elle pour valider des options mais elle est insuffisante pour imaginer le futur. En communication comme en société, cultiver la créativité est essentiel pour continuer à découvrir, créer, innover.